L'Appel de l’Epoux Divin à la Réconciliation et à l’Unité

Pèlerinage international de prière en Terre Sainte
de
La Vraie vie en Dieu
du 14 au 26 mars
à l'occasion du Grand Jubilé de l'An 2000

Symposium des 19 et 20 mars 2000 à Bethléem

 

Allocution de Mgr Jaume González-Agàpito y Granell, de l'Eglise Catholique
prononcée en espagnol le 20 mars 2000

Les éléments caractéristiques de chaque confession chrétienne et leurs exagérations -
Le chemin vers l'unité se trouve dans La Vraie Vie en Dieu

 

Excellence, Monseigneur,
Révérends Pères et Pasteurs,
Mesdames, Messieurs,

Je vais commencer par vous raconter une histoire. La provenance catholique de son auteur est évidente mais son talent critique est également clair. Il m'a paru qu'il pourrait nous être utile pour notre tentative de schématiser ou mieux encore caricaturer ‘les éléments caractéristiques’ que certains ont converti en éléments essentiels de chaque confession chrétienne.

 

I. Un conte

Thorlac1 Haujarg était un individu de nationalité islandaise qui ne savait que peu ou rien de la religion. Mal marié et à peine éduqué, Thorlac menait une vie qui se dissipait entre l'alcool, le travail et ses copains. Il battait régulièrement sa compagne et giflait ses fils. Il fit de tant de progrès dans la méchanceté qu'une nuit funeste, aveuglé par la colère, rendu fou par l'alcool et déprimé parce qu'il avait perdu son travail, il massacra ses deux enfants, étrangla son épouse et s'enfuit. Lorsqu'il revint à la raison, il arriva qu'un tremblement de terre ensevelît son village. Sa fuite l'avait sauvé en même temps et de la justice et de la mort. Personne de sa famille, ni de ses amis ni de son entourage n'était resté en vie. Cependant, sa conscience lui était restée vive et éveillée. Personne ne savait son crime, nul ne lui faisait des reproches. Pourtant, une voix intérieure l'accusait impitoyablement. Il commença à chercher un remède à son mal. Alors, petit à petit, et peu à peu, il en est arrivé à pressentir que seul Dieu pouvait lui pardonner. Il accourut vers ses ministres. Il s'approcha d'un pasteur de la capitale de l'Islande, Reykjavik, et lui demanda conseil. "Tu dois te remettre dans les Mains de Dieu tou miséricordieux, et compter sur les mérites du Sang de Jésus ; Il te libérera de la peine que tu mérites. Le vêtement de gloire et de grâce du Seigneur Jésus couvrira ta chair pécheresse". Et alors, demanda Thorlac : "Rien plus ?" Le Révérend répondit, "Tu dois te remettre absolument en toute confiance dans les Mains miséricordieuses de Dieu". Thorlac se retira tête basse. Cela ne lui offrait pas de sécurité. Oppressé par sa faute, il pensa que les brumes du nord aveuglaient les hommes de son Eglise luthérienne et que, peut-être, au sud, il y aurait plus de clarté et de sécurité. Il s'embarqua et arriva à Rotterdam. Il alla, en toute hâte dans une Eglise réformée. La même question, et comme réponse : "Les chemins du Seigneur sont insondables et nous avons tous été prédestinés à la gloire ou au supplice éternels. Qui oserait sonder l'abîme de la sagesse de Dieu ? " Egalement déçu par les calvinistes hollandais, il partit pour le Royaume Uni.

A Londres, un ministre élégant et sympathique de l’Eglise d’Angleterre, après avoir entendu ses doléances, essaya de calmer son esprit. " Ne t’affliges pas. Aies confiance en Jésus. Il a pardonné au bon larron crucifié avec lui, et il a pardonné à Marie Madeleine. A qui aime beaucoup il sera aussi beaucoup pardonné." Thorlac le remercia de ses gentils mots ; néanmoins, il manifesta son désarroi.

Pendant des heures, il se promena aux bords de la Thamise. Il trouva par hasard une petite chapelle russe orthodoxe. Le prêtre orthodoxe, maigre et d’allure étrange, l’écouta avec douceur. " Oui, ton péché peut être remis par le ministère de l’Eglise. Mais, il est tellement grave... Il te faut un bon directeur spirituel qui illumine ton esprit et qui te montre un chemin sûr." Le prêtre lui donna le nom d’un saint moine du Monastère de Stravronikita,2 sur le Mont Athos. Il s’appelle P. Jacob, après quoi, le prêtre orthodoxe lui donna les indications pour y arriver, ainsi que les démarches nécessaires à faire afin de pouvoir accéder à la sainte montagne. A la fin, il lui donna une lettre de recommendation et l’accompagna jusqu’à l’aéroport. Arrivé à Athènes, il se dirigera immédiatement vers Thessalonique, et depuis là, vers Ouranopolis. De nouveau il’sembarqua, puis il arriva à Daphné. Puis, un moine portier l’amena à l’est d’Athos. C’est là que se trouve le magnifique monastère avec ses moines.

Après les vêpres, un moine le reçut dans la pénombre d’un belle cellule où il manquait d’électricité. Ensuite, on l’accompagna dans le parloir situé au dernier étage d’un vieux bâtiment. Au terme d’un entretien, il y passa deux jours, puisque le jour suivant était pour la communauté un jour de jeûne et de silence. On lui proposa de jeûner avec eux et de prier, afin que la grâce incréée du Seigneur illuminât les ténèbres de son coeur.

Lorsque le moine s’en alla, Thorlac éprouva la joie. C’était une Eglise sérieuse. C’était des ministres de Dieu. A voir les reflets du crépuscule sur la mer, il se décida à ne pas manger : le jeûne commença avec les vêpres. Sitôt, il versa des larmes de joie.

Au jour fixé, après être purifié convenablement par la prière et le jeûne, le saint moine l’écouta silencieusement. Le coeur de Thorlac se remplissait d’émotions et de consolation. Enfin, dans cette paix du coeur, sa conscience retrouva le calme et son âme le pardon. Cependant, au moment où Thorlac acheva son récit, le saint homme leva sa tête qu’il avait inclinée pour cacher sa face, et en lui faisant signe avec sa barbe, il lui dit tout simplement : " Dix ans de pénitence. Trois en jeûne rigoureux. Prière continue. Ensuite, vous reviendrez et le confesseur te donnera l’absolution." Le moine se leva et s’en alla.

Thorlac resta coupé de souffle, haletant, furieux et indigné. Son intention de se réconcilier avec Dieu tourna en une mésaventure : soit pas de pardon possible, soit l’avoir à un prix qu’il considérait comme excessif.

Il décida de mettre fin à son aventure, si bien qu’il vaudrait mieux se distraire pour oublier son problème. Or, il pensait convertir son retour dans son pays en un voyage de loisirs, en passant par Rome. C’était l’été. Il s’y rendit pour faire du tourisme. Une guide dans la main, il commença à visiter la Ville Eternelle. Très vite, ses excursions l’amenérent jusqu’au Vatican. Il entra dans la Basilique de St. Pierre. A droite, la Pietà de Michelange, les statues des pontifs, la chapelle du Saint Sacrement, un saint momifié dans une caisse en cristal... Lorsqu’il arriva à l’emplacement du baldaquin de Bernini, il entrevit à l’autre côté du transept quelque chose d’étrange, une espèce de cabine bien fabriquée, avec un homme dedans. Les gens se mettaient d’abord dans un espace latéral puis ils en sortaient. Ils entraient et ils en sortaient. Il ne pouvait pas freiner sa curiosité. A la première personne qui en sortit et passa devant lui, il demanda pour savoir ce que c’était. " C’est un confessionnal." Mais il grimaçait de son ignorance. " C’est pour le pardon des péchés."

Thorlac vit le ciel ouvert. Il s’avança pour voir plus clair. Dans l’étrange cabine, un religieux était assis, gros et couvert de sueur, qui s’éventait avec une feuille de papier. Thorlac prit son courage à deux mains et s’approcha d’une espèce de fenêtre grillée. Il lui raconta ses crimes et ses fautes jusqu’aux moindres détails. Et il devint nerveux, d’autant plus qu’il voyait à peine la silhouette du religieux. Personne n’avait vu quelqu’un pareil, ni ses réactions. Lorsqu’il acheva son discours, il eut l’air humilié et attendit avec espoir. Il leva les yeux. Pendant que le bon homme continua à s’éventer, il dit et redit : " Père, j’ai tué ma femme et mes deux enfants !" Alors, il se mit à pleurer, tandis que le confesseur, toujours insensible, lui posa cette question, comme un refrain : " Combien de fois ?"

 

II. Trois leçons

J’ai abusé de votre temps et de votre patience avec cette anecdote pour deux motifs : pour que, le dernier jour de notre conférence, mon exposé soit plus supportable. Mais aussi c’est parce que, malgré ses limites, la narration reste un excellent moyen didactique. Nous allons donc tirer trois leçons de cette anecdote.

La 1ère . Si purement et durement caricaturale qu’elle puisse paraître, l’anecdote nous a indubitablement fait comprendre, - y même aux novices en matière de religion, eux qui regardent tout et de loin et de l’extérieur, - qu’il existe des éléments caractéristiques de chacune de ces trois confessions auxquelles on a fait allusion.

La 2ème . Ces caractéristiques propres à chacune des trois confessions trouvent leur racine, certes, dans les présupposés dogmatiques de la confession respective. Mais elles existent aussi en tant que mentalité collective représentant chacune d’elles.

La 3ème. Très souvent, avant même de nous connaître, de nous comprendre et de nous aimer, nous avons la tendance de nous caricaturer. Vu d’un point de vue spécifique et particulier, - ce que les catholiques au Moyen Âge appellent en latin ‘aspectus sub quo’, - les éléments dissonants constituent les éléments essentiels de chacune des trois confessions. De cela, il en résulte que la symphonie de l’unité, déjà très difficile à jouer, dégénère en cacophonie.

Evidemment, ces constatations n’apprennent rien de nouveau à personne. Notre objectif, c’est de cerner davantage et d’étudier ces éléments qui, comme le titre de l’exposé le suggère, - seraient respectivement les caractéristiques des trois confessions, de sorte qu’ils deviennent des moyens pour faciliter l’unité, au lieu de lui faire obstacle.

 

III. Les éléments propres à chaque confession

 

1. L’Orthodoxie

L’Eglise orthodoxe possède la particularité de nous rattacher naturellement et facilement à l’Eglise des Pères, celle des siècles IVème au IXème , l’Eglise des grands conciles.

Sa caractéristique consiste en ce qu’elle met beaucoup d’accent sur la synodalité.3 On peut résumer cette pensée en disant avec St. Jean Chrysostome " ecclesia synodo estin onoma (littéralement = l’Eglise du synode est un nom = L’église est une église de communion). La synodalité serait donc une dimension inhérente à la nature même de l’Eglise, celle-ci étant comprise comme communion, et, par extention, inhérente à la nature du ministère épiscopal. Sa structure ontologique provient du principe de ‘communion’ que, chose paradoxale, redécouvrent et revalorisent les spécialistes latins en matière d’ecclésiologie vers la fin du siècle passé.

Le principe de la communion implique que la dimension universelle de l’Église est présente dans l’église particulière tout comme la dimension de l’Église particulière est présente dans l’Église universelle. À l’origine de la synodalité, il y a ceci : c’est que tous les évêques en tant que chefs des églises particulières partagent le même charisme qu’est le témoignage de la vérité exprimée à travers les synodes. De ce fait, il résulte que la synodalité, qui représente la communion active et agissante des églises particulières, se réalise d’une manière la plus parfaite à travers l’épiscopat. C’est donc dans l’exercice collégial des évêques, en termes de conférences épiscopale (‘coetus’ en latin) que la synodalité se manifeste pleinement et éminemment. D’où la valeur universelle des synodes, valable pour l’Eglise toute entière, en même temps avec un caractère obligatoire et unifiant géographiquement bien déterminé, c’est-à-dire, par le ministère ordinaire de chaque évêque. En résumé, c’est grâce au Saint Synode Patriarcal et à la participation des laïcs de différentes unités et paroisses que la synodalité prend corps.

De ce point de vue, la conception de l’épiscopat dans la tradition orthodoxe paraît significative et très intéressante. C’est la raison pour laquelle lorsqu’il ne préside pas la célébration eucharistique, la chaire de la cathédrale restera vide, personne d'autre ne peut l’occuper, parce qu’elle est occupée invisiblement par le mystère de Dieu.4 Cette coutume de l’Eglise orientale pourrait sembler banale. Mais si on la voit à la lumière de la tradition de l’Eglise latine où l’évêque est vu comme successeur des Apôtres et Vicaire du Christ, toute son importance rejaillit.5 De cette particularitè, ainsi que de tant d’autres, on peut dégager une espèce de dichotomie ecclésiologique entre les traditions théologiques de l’Orient et de l ‘Occident, chacune d’elles ayant son évolution propre. D’après John Meyendorff, l’Eglise d’Orient " n’a pas eu l’occasion ou le désir d’apprendre la conception de l’évêque dans sa qualité de Vicaire du Christ"6 , tout simplement parce qu’elle n’a pas accepté l’usage que la papauté, devenue puissante à partir du XIème siècle, fit d’une lecture exégétique de Mt16,18ss, Lc22,32ss et Jn21,15-27, alors que le rôle personnel de St. Pierre, sur qui l’Eglise est fondée, avait été reconnu pendant très longtemps par les auteurs ecclésiastiques byzantins, même avant le schisme qui allait fausser complètement la question au sujet de l’évêque en tant Vicaire du Christ.7

La compréhension de l’évêque en tant que Vicaire du Christ, qu’on pourrait voir du côté de l’Eglise catholique comme la doctrine justifiant la diversité sur le plan doctrinal, est en réalité enracinée dans quelque chose de particulier et propre à la tradition byzantine : c’est le concept de la ‘Tradition vivante’. La différence, c’est qu’en Orient, la même notion de la Tradition vivante, qu’on trouvait et trouve encore dans l’enseignement dogmatique des catholiques et des orthodoxes, n’est pas perçue comme un ‘dépôt’ statique des propositions doctrinales, ou comme quelque chose d’idéologique dans tous les documents dont découle et dépend tout ce qui concerne la foi sur le plan doctrinal, moral, existentiel et liturgique de la chrétienneté ancienne. Le concept ‘orthodoxe’ de la ‘Tradition vivante’ implique quelque chose de plus intéressant : c’est la raison d’être de l’Eglise-même, la réalisation même de ce qu’est l’Eglise sainte. Guidée et dirigée par l’Esprit Saint, l’Eglise se définit et s’incarne dans ce monde selon ce qu’elle est.

Une autre particularité de l’orthodoxie, c’est la mise en relief du concept apophatique (=indicible) de Dieu,8 ainsi que sa conception de la Trinité qui part de la distinction des trois Personnes divines (une donnée néotestamentaire), et qui s’aboutit à l’unité de l’Être divin (‘essentia’ pour les latins), avec l’accent principalement mis sur le Père en tant que Source première et absolue. La même particularité a donc influencé la position de l’Eglise orientale lors du conflit au sujet du ‘Filioque’.

Nous avons également à reconnaître la grande contribution qu’a faite l’Eglise d’Orient byzantine en matière de pneumatologie. L’Esprit Saint, d’après ce que dit le Pape Pie XII, est un grand inconnu dans l’Eglise d’Occident. Il est, en revanche, un élément essentiel et capital dans sa tradition théologique en Orient.9

La christologie de l’Eglise orientale, - comme le réclame le Card. Ch. Journet pour l’Eglise occidentale, notamment dans son livre ‘L’Eglise du Verbe Incarné’,10 ainsi que dans d’innombrables articles, - constitue la base de l’anthropologie théologique et de la mariologie. Il s’ensuit que la pratique sacramentelle dans l’Eglise orientale est considérée comme la participation de l’homme au mystère de la divinisation, comme une ‘mystagogie’, c’est-à-dire, l’initiation au mystère divin.

Historiquement parlant, c’est la christologie de l’Eglise orientale qui a donné naissance à la vie monastique, un sujet important qu’on trouve dans tant de documents en l’Eglise d’Orient, et qui a conditionné passablement, par exemple, pendant la ‘réunion’ de Florence où elle rejeta l’humanisme répandu à Constantinople au XIVème ; un thème qui confère la spécificité de l’Eglise orthodoxe en tant que confession.

D’autres éléments spécifiques de l’Eglise orthodoxe sont à signaler, tels que la lutte contre l’hérésie, comprise comme la mise en place des points de repère doctrinaux qui permettent de mener une droite vie chrétienne (ortho = droit , doxie = pensée) ; le sens théologique et dogmatique de la vénération des icônes ; la réflexion théologique fortement centrée sur les énergies incréée pour faire face à une crise théologique survenue au Mont Athos au XIVème siècle, à l’aide de St. Gregoire Palamas.11 Tout cela contribua au triomphe d’un humanisme au XIVème siècle, un humanisme spécificiquement chrétien et théocentrique où la déification ne supprime pas l’humanité, mais rend homme véritablement homme, selon le dessin initial de Dieu. On a affaire à une brûlante actualité. C’est que l’homme peut pleinement homme seulement s’il retrouve la communion perdue avec Dieu.12 L’homme peut être véritablement homme seulement s’il vit la vraie vie en Dieu.

 

2. Le Catholicisme romain

Vu de l’extérieur, ce qui frappe le plus dans le catholicisme, c’est sa conception du ministère lié à la primauté du pape. D’après le Concile du Vatican I, (cfr. la Constitution dogmatique ‘Pastor aeternus’),13 l’évêque de Rome a la véritable juridiction, pleine et directe, sur tous les évêques et tous les fidèles,14 juridiction qualifiée par le même concile de véritablement épiscopale. Cette proposition dogmatique a été retravaillée et remarquement complétée par le Concile du Vatican II. Mais elle reste fortement limitée aux milieux catholiques.

Une autre caractéristique de l’Eglise catholique, toujours vue de l’extérieur et facile à constater, consiste en ce que l’Eglise catholique est une organisation bien implantée partout dans le monde, avec l’exercice du pouvoir de son chef à travers la Nonciature Apostolique et l’élection et l’institution canoniques des évêques.

Beaucoup de ceux qui aiment la chrétienneté d’Orient et qui cherchent un terrain d’entente avec l’Occident disent qu’il existe dans la pratique une confusion entre la tradition latine et la tradition catholique, vu que le Pape agit sans distinction comme le Primat universel et comme Patriarche d’Occident. Le problème commence par là, mais il est beaucoup plus complexe que ça. Car dans l’Eglise latine, il existe une tradition disciplinaire, façonnée par le droit canon qui se perpertue, au point d’obscurcir toutes les splendeurs du deuxième millénaire que l’Eglise latine a trouvées par tous les moyens, afin que le Pontif romain puisse exercer sa primauté dans toute sa plénitude et avec toute son vigueur canonique.

Ce fait constitue un fait très particulier et typique de l’Eglise d’Occident : l’omniprésence du légalisme. L’Eglise catholique romaine apparaît comme l’Eglise du Droit.

Quant aux différences sur le plan doctrinal, ce seraient : son explication de la Trinité qui doit son origine au ‘De Trinitate’ de St. Augustin, basée sur le paradigme de la structure psycho-métaphysque de l’homme ; son conception de la dialectique Ecriture-Tradition ; l’accent mis fortement sur le sacerdoce ministériel, presque toujours identifié au presbytérat d’une manière symétrique ; enfin, sa mariologie etc.

Outre la primauté du pape, la caractéristique la plus représentative du catholicisme romain serait peut-être la centralité du culte eucharistique, mettant l’accent sur la nécessité de ‘voir’ les deux espèces eucharistiques.

 

3. Le Protestantisme

Il est difficile de réduire à un seul schéma toute la morphologie des églises, communautés et groupements issus ou inspirés de la Réforme protestante du XVIème siècle, alors qu’une simple présentation sur ce sujet si complexe s’apparente à une caricature. C’est pourquoi j’espère pouvoir me faire comprendre davantage et compléter ultérieurement, grâce au dialogue, s’il le faut.

Ce qu’il faut souligner dans le protestantisme, c’est avant tout la volonté explicite d’adopter une attitude permanente de réformer. A cela s’ajoute le rôle particulier et prononcé qui revient à la Bible comme la seule et ultime référence.

Dans la plupart des confessions protestantes, le salut est conçu comme le résultat ou le fruit de la justification. Sur ce point, les accords récemment signés à Ausbourg entre l’Eglise luthérienne et l’Eglise catholique marquent un pas important dans la recherche de l’unité entre les deux Eglises. La question théologique dont il s’agit ici, c’est le rapport entre la grâce de Dieu et la liberté de l’homme, l’objet de polémique entre Erasme de Rotterdam et Martin Luther.15 Puis, le problème de la prédestination et la compréhension spécifique que la réforme a faite de celle-ci occupe également une place très importante dans toutes les églises de souche calviniste. Ensuite, le thème du sacerdoce des laïcs détermine considérablement les positions des églises protestantes.

 

IV. Les effets négatifs des exagerations

Toute médaille a son revers. Et il va de soi que les éléments propres à chacune des trois confessions peuvent être en proie à des exagératios et pris en ôtage par le militantisme, l’auto-affirmation et l’autodéfense de certains, au point d’être dénaturés et souvent transformés en mécanismes étranges, voire contraires à l’essence des confessions respectives.

 

1. Orthodoxie

L’absence d’une autorité suprême d’une part, et, d’autre part, la fidélité typique de l’Eglise orthodoxe à l’héritage des Conciles et des Pères ont aboutit à une espèce d’immobilisme malsain. L’attitude rigide et négative de la hiérarchie de l’Eglise grecque orthodoxe d’il y a quelques années à l’égard de quelques-unes de ses communautés qui voulaient éditer le Nouveau Testament peut servir d’exemple. La solution de ce problème serait un Concile Panorthodoxe, c’est-à-dire un concile des Eglise orthodoxes, désiré et souhaité depuis tant d’années. Cependant, la situation actuelle de l’Eglise orthodoxe marquée par une fragmentation excessive et la confusion entre l’autocéphalie et le nationalisme font que la tentative de convoquer un tel concile a été échoué à plusieurs reprises. Par conséquent, la Tradition de l’Eglise orthodoxe est restée presque toujours celle du IXème siècle. Par ailleurs, pour des raisons politiques, compréhensibles mais injustifiables, le souci missionnaire est presque absent dans la sensibilité orthodoxe.

Ln regard admiratif que l’Eglise d’Occident porte depuis peu de temps sur la tradition byzantine a fait avancer la reconnaissance de l’Orthodoxie. Cette évolution positive est due à la présence de beaucoup d’orthodoxes en Occident, mais aussi à l’intérêt de beaucoup de catholiques pour la tradition d’Orient. Enfin, la tendance de faire de la tradition byzantine une confession, en renvendiquant toute coutume, tout rite ou toute cérémonie, pour qu’ils ne soient que orthodoxes, complique sérieusement l’oecuménisme.

 

2. Catholicisme

La triste disparition de la synodalité qui a commencé dans l’Eglise de la Contre-réforme est causée plus par une mentalité centralisante des clergés mendiants et séculiers que par un choix volontaire et l’Eglise institutionnelle. Il s’ensuit que, aux yeux des autres confessions, l’image du catholicisme donnée par l’Eglise catholique, est rétrécie et unilatérale. Puis, le désintéressement des théologiens catholiques pour les Pères de l’Eglise, ainsi que l’abandon des sources doctrinales chrétiennes, ont donné naissance à une catholicisme au sens unique et boiteux.

La négligence du rôle épiscopal à laquelle le Concile Vatican II s’est proposé de remédier a engendré des prises de positions ecclésiologiques qui auraient laissé la bouche grand ouverte non seulement les Pères de l’Eglise, mais aussi les théologiens du Moyen Âge ! Il est vrai que grâce à l’affirmation de la primauté du Pape, le catholicisme est préservé de beaucoup de problèmes dont souffre l’Orthodoxie. Mais il est aussi vrai que l’affirmation exagérée de la primauté du pape, - notamment par ceux qui, sous l’apparence de leur dévouement au Saint-Siège, cachent leur ignorance crasse de la Tradition, ainsi que leur conception ecclésiologique tout à fait pittoresque et lamentable, - a aussi donné une espèce de ‘papolâtrie’, qui n’a guère servi à la cause de l’unité des chrétiens.

Le résultat c’est la confusion de la Sainte Eglise de Dieu avec une multionationale qu’il faut organiser, diriger, établir partout et en promouvoir les ventes.16 Mais, le comble c’est que ces ‘promoteurs’, qui sont sensés servir et renforcer l’Eglise institutionnelle, dans bien des cas, renforcent leur propre institution, érigée comme une église parallèle. Que personne ne me comprenne mal en pensant que je fais uniquement allusion aux institutions récentes : dans l’histoire de l’Eglise, cette réalité a longtemps existé dans le passé et elle est bien enracinée dans l’Eglise depuis des siècles.

On justifiait ces dérapages notamment par l’ecclésiologie de la réforme grégorienne du XIXème siècle et par le Droit Public Ecclésiatique au début du XXème siècle, avec l’idée de fond qu’est ‘Ecclesia est Societas perfecta’ (=L’Eglise est une société parfaite), une proposition bien équivoque et souvent mal comprise parce que mal interprétée.17

La mise à côté des Saintes Ecritures dans le catholicisme a été aussi une injure pas toujours justifiable. La centralité du culte eucharistique a parfois dégénéré en une ‘espéciolâtrie’.18

ainsi que l’est le fait de ne pas avoir intégré christologiquement le culte marial, dont le comble est le ‘de Beata Maria Virgine nunquam satis’ (=on ne parle jamais assez de la Bienheureuse Sainte Vierge).

 

3. Protestantisme

De même que la réaction irrationnelle et une attitude défensive ont conduit les catholiques aux excès qui viennent d’être signalés, de même, elles ont poussé les partisans de la réforme protestante à réagir d’une manière semblable, en l’occurrence, à la ‘bibliolâtrie’. La doctrine sur la nécessité de collaborer avec la grâce, qui était une réponse dogmatique d’une époque au pélagianisme, reste flou et fluctuant. Le danger de passer de ‘l’Eglise confessante’ ou de ‘la protestation chrétienne’ à l’anticatholicisme, au point d’en faire une confession, a été un risque que courent les réformés. La dépréciation du sacerdoce ministérial, la négation de la primauté de juridiction, la ‘liberté’ du chrétien qui se veut plus libertaire que libre, dans bien des cas, a donné lieu à une espèce de ‘rassemblementisme’, dont mes confrères protestants se plaignent, du moins en privé. L’exclusion de Marie et de la vie religieuse a été aussi la conséquence d’une erreur qui appauvrit la Tradition ecclésiale et qui aboutit à des positions ou attitudes peu compatibles avec celle-ci. Récemment, la recherche de sa propre identité et l’engouement pour une lecture littérale de l’Ancien Testament ont amené quelques sectes protestantes à une sorte de judaïsme avec des conséquences grottesques.

 

V. Perversion des éléments caractéristiques

Les perversions dont je parle ici, ce sont les éléments caractéristiques de chaque confession que je viens de présenter à l’instar d’une brève synthèse, au risque de les caricaturer. Ce ne sont pas toujours les choses les plus essentielles ; ils servent davantage à nous faire voir la diversité des trois confessions, mais beaucoup moins à identifier leur unité. Cependant, ce sont peut-être les mêmes éléments qui nous permettraient d’avoir en peu de temps un aperçu d’une problématique si complexe, ne serait-ce que d’une façon superficielle. C’est la raison pour laquelle des conclusions s’imposent, en guise de résumé. Les voici :

La première conclusion. Les éléments qui permettraient d’établir l’identité d’une confession, contrairement à ce qu’on est tenté à croire, ce ne sont pas nécessairement les difficultés qu’une confession particulière découvre à un moment donné en elle-même, ou ses intuitions si profondes qu’elles puissent être. Car ces éléments, comme nous allons le voir, sont souvent complémentaires et susceptibles d’être intégrés. Par contre, ce qui marque une confession en lui conférant une identité, ce sont justement les éléments relatifs à un événement traumatisant de l’histoire, les éléments que nous venons de voir et que nous qualifions de caractéristiques.

La deuxième conclusion. Il faut que chaque confession fasse un effort pour intégrer et purifier ses propres éléments doctrinaux. Très souvent, ce qui se présente comme élément exclusivement d’une confession n’est que l’envers d’une tradition commune, apparemment sous une forme différente, mais qui, en fin de compte, renvoie la même confession à un parfait accord avec d’autres confessions sur le plan dogmatique.

La troisième conclusion. Le travail pour l’unité exige que chaque confession approfondisse les éléments de sa propre identité d’une part, et, d’autre part, qu’elle bannisse tous clichés stéréotypés et passionnés, le pacifisme facile, ainsi que le conformisme.

 

VI. Complémentarité des confessions et sa signification oecuménique

Encore une fois, il ne faut pas concevoir la complémentarité comme une sorte de pacifisme facile, comme un assemblage sans esprit critique des éléments caractéristiques de chaque confession, mais au sens que chaque confession fait intelligemment siens les éléments que les autres confessions ont à apporter à la Tradition ecclésiale. Il faudra éviter également un archéologisme aveugle, puisque découvrir l’ancien ne signifie nécessairement pas découvrir la vérité.

Après tout, la pluralité ne doit en aucun cas effrayer personne, puisque, dès le début, le christianisme est pluriel, comme l’avait montré Romano Guardini longtemps avant dans un ouvrage bien connu et désormais classique, intitulé ‘Das Bild von Jesus dem Christus im Neuen Testament’.19 Et ce que nous savons de ses premières étapes confirme bel et bien cette constatation.20

 

VII. Se connaître pour découvrir ses déviations et nos éléments essentiels

Une méconnaissance séculaire et invétérée entre les confessions chrétiennes ou une approche purement apologétique à l’égard de la spécificité des autres ont créé une mentalité fermée au processus de l’intégration dont on vient de parler. Le ‘méthode’ utilisé par Jean-Paul II dans la lettre apostolique ‘Orientale Lumen’ est pour nous un bon exemple, un chemin à suivre. Néanmoins, nous devrions aussi élaborer un écrit analogue, par exemple, intitulé ‘Reformae Lumen’ pour ce qui concerne la Réforme protestante et les autres confessions. Pareillement, nous nous trouverions en mi-chemin si les autres confessions ne faisaient pas la même chose, respectivement par rapport au Catholicisme romain et à l’Orthodoxie et à la tradition protestante.

 

VIII. La marche en arrière : le grand danger ou sonner le glas

Notre réflexion serait partielle et tronquée si nous n’étudions pas le problème de l’inculturation dans un contexte qui est celui de nos jours. Rappelons que les éléments caractéristiques de chaque confession qu’on vient d’esquisser représentent en effet les différents aspects de l’essence du christianisme. Mais il faut aussi se rappeler qu’ils les représentent très souvent en tant que sensibilité religieuse et en tant que paramètres culturels politiquement conditionnés d’une époque passée. D’où la nécessité de tenir compte d’autres défis que rencontre l’oecuménisme aujourd’hui qui est celui de l’évangéliser dans un monde nouveau.

Ce qui émerge aujourd’hui, ce n’est pas simplement un nouveau style de vie sur le plan estétique ou intellectuel, mais une nouvelle culture. Derrière les nouveautés auxquelles on donne le nom de modernité, postmodernité, voire antimodernité, au-delà des jeans, de la télé, des discotèques, des CD-Rom et d’Internet, il y a une réalité plus profonde. C’est que les paramètres de notre culture contemporaine sont en train de changer rapidement et avec force. Ce qui est se passe actuellement, à mon avis, c’est la naissance d’une nouvelle culture. Les quelques éléments que je viens de mentionner sont des éléments concomitants ou déterminants qui marquent cette nouvelle culture, ce nouveau phénomène dont l’exemple analogue serait l’époque tardive de la Rennaissance. C’est donc ici qu’il faut faire un examen de conscience en profondeur, critiquement, dans le but de débroussailler le chemin, non pas pour marcher en arrière dans le temps, mais pour avancer en avant dans la fidélité au commandement évangélique. Car beaucoup des caractéristiques de nos confessions sont devenus désormais des résidus fossilisés du passé, tels que certaines formes du culte, certains symboles, certains livres etc.

La nouveau style de vie de nos jeunes peut, bien sûr, être une forme d’intégrisme, une fuite, ou simplement un masque. Mais il peut aussi révéler quel serait le christianisme du troisième millénaire.

Ceci dit, un avis à ceux qui sont en recherche : la solution du problème ne consiste pas en une mise à jour sans fin, ni en ce qu’on remet continuellement les pendules à l’heure, de peur que l’Eglise n’arrive en retard, mais en un renouveau de la fidélité à l’Evangile, ce qu’Erasme et Thomas More ont tenté de faire, mais sans y parvenir. L’exégèse moderne a découvert beaucoup d’éléments explosifs en la figure, la personnalité et l’action de Jésus que les trois confessions ont à intégrer et actualiser dans leurs propositions dogmatiques. Ce n’est pas seulement une inculturation spatiale, mais aussi une inculturation temporelle dont il s’agit.

 

IX. La recherche de l’unité dans la volonté du Christ : la vraie vie vécue en Dieu

La recherche de l’unité, comme P. Coutourier, le grand apôtre de l’unité chrétienne nous a enseignés il y a cinquante ans qu’il fallait commencer par prier, doit se réaliser par les chemins voulus par le Christ, comme Il veut et quand Il veut : " Unissez-vous ! Unissez-vous !... " (2.5.87)21

L’unité n’est pas une oeuvre humaine, mais l’oeuvre de Dieu : " Unir Mon Eglise c’est Mon Oeuvre, tu vas être seulement Ma messagère. Comprends-tu la différence ? "22 C’est un rappel primordial et fondamental pour le travail d’oecuménisme : c’est le Christ le Seigneur qui oeuvre, tandis que nous sommes les messagers d’un message d’Amour et de réconciliation pour que el Règne du Christ devienne visible et tangible, " pour que le monde croie."

Mgr Jaume González-Agàpito y Granell, de l'Eglise Catholique
(allocution prononcée en espagnol) 

 RETOUR A LA PAGE PRECEDENTE

Mise en page : 31-12-2000 11:01
Association La Vraie Vie en Dieu - Suisse
tlig-ch@tlig.org

 


Notes

1. "Thorlac" est le nom d’un saint évêque né en Islande en 1133. Il étudia à Paris et à Lincoln, et il fut un chanoine régulier du monastère de Thykkvibaer, premier monastère de son Ordre en Islande. Il en fut d’abord prieur, ensuite abbé. Quoique nommé évêque de Skálholt, il ne cessait d’observer la règle des chanoines. En 1186 il fundit la maison de Kirkjubaer; et c’était un ardent promoteur de la réforme ecclésiastique, gardien zélé des moeurs, en particulier, de la santeté du mariage. Ce fut ainsi qu’il contribua beaucoup à la croissance de l’Eglise en Icelande. Il mourut le 23 décembre 1193. Il fut canonisé par les évêques du lieu. Le 14 janvier 1984, Pape Jean-Paul II le déclara patron principal d’Islande. Sa fête se célèbre le 20 juillet, le jour de la translation de ses reliques. On trouve sa biographie dans le " Vita Sancti Thorlaci ", cfr. I. Langebek, Scriptores reum Danicarum Medii Aevi, IV, Hafniae, 1886, pp.624-632.

2. Ce monastère, qui se trouve sur la côte orientale du Mont Athos, fut fondé probablement en Xème siècle, lorsque la vie monastique allait commencer sur la presqu’île. D’après une tradition, le monastère doit son nom à deux moines dont le nom s’est mis ensemble : Stavros et Nikitas qui semblent avoir vécu comme ermites en ce lieu-là. Le monastère suivit les changements du Mont Athos et eut de grandes difficultés au moment de l’invasion des Francs. Il fut détruit et abandonné. Quoique restauré après, il subit une série d’incendies devastateurs en 1607, 1741, 1864, 1874 et 1879. Il fut, malgré tout, objet de protection des princes, des patriarches et des communautés orthodoxes. Un document important au sujet de la rénovation et revitalisation du monastère a été trouvé par Grégoire Giroméréïatis, de la première moitié du XVIème. Le monastère occupe la 15ème place dans la hiérarchie athonite. Au XVIème siècle, l’icônographe Théophanes le Crétois y laissa un nombre considérable d’ouvrages.

3. Le Dr. S. Pié a étudié cette perspective dans son récent ouvrage qu’il a utilisé en 1993 - 1994 pour donner son premier cours dans la Faculté de Théologie de Catalogne. Qu’on consulte également l’ouvrage collectif : Le concile et les concile. Contribution à la vie conciliaire de l’Eglise, Chevetogne, 1960.’

4. Voir l’ouvrage intéressant, désormais classique de K. Rahner publié dans le premier volume de ses ‘Ecrits théologiques’.

5. Le terme ‘Vicaire du Christ’, comme on le sait, était une expression courante qu’employaient les évêques de l’Eglise pré-nicéenne en Afrique pour se désigner eux-mêmes, ainsi que dans l’Eglise après le premier Concile Vatican.

6. Cf. La teologia de Bizantina. Sviluppi storici e temi dottrinali. Casale Monferrato, 1984, p.120.

7. Cf. Focio, Homilia I, cfr. C. Mango, The Homilies of Photius, Cambridge, 1958, p.50.

8. Cette notion, aujourd’hui tenue pour acquise et acceptée notamment dans les facultés de théologie catholiques, fut quelque chose d’étrange et d’inquiétant il y à peine 30 ans. A titre d’exemple : je me souviens toujours comment, après un examen, Dr. David Estrada, professeur du cours de théodicée de la faculté de philosophie de l’Université de Barcelone pendant les années 60, m’a appelé, avec quel intérêt et quelle émotion. Etant de confession évangélique, lui-même s’émerveillait de voir que son élève lui puisse lui parler, lors d’un colloque sur le concept et la notion de Dieu, de l’apophatisme. Plus tard, j’ai essayé d’échanger mes impressions avec mon nouveau collège qui guidait mes études et travaillait pour le Séminaire Conciliaire de Barcelone, ce dernier étant professeur dans sa section pour le cours sur Dieu un et trine. C’était en 1965. J’ai eu la sensation de pas être compris, ou du moins, de pas avoir suscité aucun intérêt chez le nouvel professeur que, moi et Jaume Riera avons essayé de motiver, celui-ci avec son affection pour la Bible et la langue hébraïque, tandis que moi avec la théologie des Pères de l’Eglise. J’étais donc fatiqué, même las de voir qu’un sujet pareil pouvait apparaître inconnu à mes coréligionnaires ; fatigué de prêcher dans le désert en parlant de la théologie apophatique à ceux dont la théologie positive de s’emparait depuis quelques années, notamment les étudiants de la section française, eux qui dévoraient le ‘Amigos del Catecismo’ ; fatigué d’entendre de ce qu’on disait sur Dieu un et trine d’après un schéma étroit et rigide thomiste, en répétant le commentaire du P. Cuervo qui s’inspirait de la Somme théologique de St. Thomas ; d’entendre les discours sur l’action créatrice et élévatrice de Dieu, toujours selon un schéma de la tradition thomiste de la Grégorienne des années 40 et 50. J’ai donc laissé à côté cette théologie affirmative, mais j’ai pu connaître une théologie apophatique, grâce au précieux ouvrage de V. Lossky, Essai sur la théologie mystique de l’Eglise d‘Orient, Paris, 1944, que je lisais et relisais continuellement pour savourer la douceur et la cohérence de cette théologie. Il faut noter que le deuxième chapitre de cet ouvrage est particulièrement révélateur et suggestive : Les ténèbres divines (dans l’edition. de Paris, 1990, que j’ai dans la main, pp.21-41). On y trouve une lecture directe de st. Thomas d’Aquin que je découvre beau plus poche de la théologie apophatique que ne le sont mes professeurs (‘De essentia divina quomodo sit, vel potius, quomodo non sit.). J’en ai tiré des éléments pour une réflexion théologique juste sur Dieu. Ce fut le fruit de mon travail sur l’Orthodoxie.

9. Voir le chapitre huitième du livre de V. Lossky, op.cit. ; Economie du Saint-Esprit, Paris, 1990, pp.153-169 ; de même, Boulgakof, le Paraclet, Paris, 1946, ainsi que les précieuses indications fournies par mon ancien professeur dans son livre ‘La spiritualità dell’Oriente cristiano’, dans lequel le plan du chapitre deuxième, intitulé ‘La vie en Dieu’. C’est véritablement recueil de sagesse : ‘Nello Spirito Santo, pp.33-38 ; ‘Per Cristo’, pp.39-47 ; ‘Al Padre’, 47-54.

10. Freiburg, 1951ss.

11. Qu’on consulte le livre de J. Meyerdorff, St. Grégoire Palamas et la mystique orthodoxe, Paris, 1959.

12. Il est clair que, par manque d’espace et par souci d’être concis, nous avons mis à côté les autres traditions dogmatico-liturgico-disciplinaire de l’Orient. Pour des informations préliminaires sur ce sujet, on peut consulter l’ouvrage collectif de M. Albert, R. Beylot, R.-G. Coquin, B. Outtier, Ch. Renoux, Christianismes orientaux. Introduction à l’étude des langues et des littératures, Paris, 1993. Et : P. Krüger, Kleines Wörterbuc des christlichen Orients, Wiesbaden, 1975.

13. Cf. J. Alberigo - J. A. Dossetti - P.-P. Joannou - C. Leonard - P. Prodi - H. Jedin, Conciliorum Oecumenicorum Decreta, Bologna, 1973, pp.811ss.

14. Ibid. p.831-814 : " Docemus proinde et declaramus, ecclesiam Romanam, disponente Domino, super omnes alias ordinariae potestatis obtinere principatum, et hanc Romani pontificis iurisdictionis potestatem, quae vere episcopalis est, immediatam esse : ergo quam cuiuscumque ritus et dignitatis pastores atque fideles, tam seorsum singuli quam simul omnes, officio hierarchicae subordinationis, veraeque obedientiae obstringuntur, non solum in rebus, quae ad fidem et mores, sed etiam in iis, quae ad disciplinam et regimen ecclesiae per totum orbem diffusae pertinent ; ita ut custodita cum Romano pointifice tam communionis, quam eiusdem fidei professionis unitate, ecclesia Christi sit unus grex sub uno summo pastore. Haec est catholicae veritatis doctrina, a qua deviare, salva fide atque salute, nemo potst. "

15. Vient de paraître (Barcelone, 1997) la traduction catalane (Edition 62) des deux ouvrages classiques de ces auteurs par P. H. Vall, s.j., membre du Conseil de nostre Délégation de Barcelone.

16. A noter que notre Eglise n’est pas la compagnie de Coca-Cola. Réflexion critique sur ls ecclésiologies du deuxième millénaire, Barcelone, 1997.

17. La position du Card. A. Ottaviani n’a pas escompté le résultat voulu pendant le pontificat de Pie XI, en dépit de la prolifération des pactes concordataires de l’époque. En 1927, e jeune Mgr. Montini qui a écrit dans la revue ‘Studium’ de la FUCI sur des thèmes ecclésiologiques, avait également beacuoup de réserve à l’égard des positions d’Ottaviani ; cf. P. Hebblethwhile, Paul VI. Le premier pape moderne, Buenos Aires, 1995, p.90.

18. C’est-à-dire, en convertissant l’Eucharistie à une sorte de vénération, qui substitue la vénération des objets de cultes, au nom de et à cause de la présence réelle, comme le faisaient les icônoclastes, tel que Léon l’Isaurien, condamné par le deuxième Concile de Nicée.

19. Traduction en castillan par D. Ruiz Bueno, La imagen de Jesús en el Nuevo Testamento, Madrid, 1965, Madrid2, 1981, (dans Obras de Romano Guardini, III).

20. Voir aussi ‘Les origines du christianisme, Barcelone, 1997, accompagnée d’une bibliographie à ce sujet.

21. Vassula, La vraie vie en Dieu, cahier 10

22. Ibid. cahier n.13.